La formation des professeurs pour « Enseigner à vivre »

Une enquête internationale, menée par l'OCDE dans 34 pays, pointe la singularité du système français de l'évaluation et la formation de ses enseignants.

 

 

Evaluation des professeurs : la spécificité française est loin d’être un atout

 

L’enquête internationale sur l’enseignement et l’apprentissage (Talis) parue en juin dernier rend compte de la formation des enseignants ainsi que de leurs pratiques au quotidien.

 

Selon l’enquête, la France est l’un des seuls pays de l’OCDE à évaluer ses professeurs lors de la visite d’inspection et uniquement celle-ci.

Cette évaluation des enseignants est qualifiée comme une méthode stigmatisant et une pratique peu formative selon Christian Chevalier, Secrétaire général du SE UNSA.

Pour comparaison avec les autres pays de l’OCDE, cette évaluation compte en moyenne pour 30% de la note d’évaluation total.

Elle est de plus en plus considérée comme désuète à l’instar de Singapour, où les inspecteurs ont presque totalement disparu du système d’évaluation, supplantés par les tuteurs et membres de l’équipe de direction de l’établissement.

C’est cette voie qu’adopte d’ailleurs la Grande-Bretagne en confiant, dans sa dernière réforme, plus d’autonomie au directeur d’établissement dans l’évaluation de ses professeurs.

La France avait pourtant dans le passé tenté d’y mettre un terme, avec le projet, avorté, de Luc Chatel consistant à faire endosser au seul chef d’établissement le rôle d’évaluateur.

 

Formation des professeurs : quantitativement insuffisante, qualitativement pas très utile.

 

Pour 60% des enseignants français, cette évaluation est « un exercice purement administratif, qui ne débouche sur rien», précise Éric Charbonnier, membre de la direction de l’éducation de l’OCDE.

Il précise en outre que seules 22% des évaluations donnent lieu à des propositions de formation continue. C’est l’autre grand sujet sur lequel la France se démarque.

Ainsi seuls 76% des enseignants français -contre 88% en moyenne dans l’OCDE- suivent des formations continues, faute de temps ou d’incitation.

Autre point à charge, l’enquête montre que l’offre de formation continue française est dépassée

Elle s’avère être trop axée sur le comportemental, trop loin aujourd’hui des besoins des enseignants. Ces derniers expriment des demandes pressantes concernant :

  • le conseil et l’orientation des élèves
  • l’utilisation des nouvelles technologies
  • l’approche pédagogique du métier

Si le gouvernement a remis en place une formation initiale des enseignants, elle fait l’objet aujourd’hui de critique des acteurs quant à son contenu.

 

 

 

 

Premier impératif : mieux ajuster l’enseignement au niveau de chaque élève

 

Selon l’enquête, 22% des enseignants français déclarent varier les exercices en fonction du niveau des élèves dans une classe, contre 44% en moyenne dans l’OCDE et 63% en Angleterre.

Ils sont huit sur dix à dire ne jamais observer les cours de leurs collègues pour s’en inspirer, contre moins de cinq sur dix, en moyenne, dans l’ensemble des pays étudiés.

Malgré cet isolement et cette absence de suivi, les enseignants se disent satisfaits de leur métier (86%),

ils ne travaillent pas moins que leurs homologues étrangers mais seulement 5% d’entre eux pensent que leur profession est «valorisée dans la société».

 

Deuxième impératif : la formation « élargie » des professeurs des écoles

 

Un rapport d’inspection sur l’école primaire en novembre 2013 a pointé les difficultés des enfants à apprendre à lire et compter.

Mais plus encore, Ce rapport soulignait surtout le déficit de formation en sciences cognitives des professeurs des écoles.

Plus largement que les seules connaissances fondamentales de l’éducation (savoir lire, écrire, compter, matières littéraires, scientifiques).

Il faut s’approprier dans les enseignements dans le système français ce que les anglo-saxon intègrent depuis des décennies dans leur propres écoles,

à savoir les connaissances transversales ou compétences non cognitives.

Que sont-elles ? Ce sont les travaux par petits groupes sur des sujets décidés collectivement, sujets de réflexion,

sujets de recherche tentant de résoudre une question et qui aboutiront le plus souvent à un exposé oral.

Ces compétences développent l’estime de soi, la capacité de se mesurer dans des discussions avec d’autres personnalités,

d’autres idées développées pour conclure et prendre une position qu’il s’agira de défendre avec conviction.

Ces compétences sociales comme la capacité à coopérer avec autrui, à s’adapter devant une question ouverte, à une situation nouvelle permettra demain le vivre ensemble.

Ce sont ces compétences transversales, si difficiles à évaluer, qui vont conditionner la future insertion sociale et professionnelle des apprenants

 

 

En titre de son excellent dernier ouvrage, Edgar Morin reprenait l’expression de Rousseau « Enseigner à vivre ».

Voilà la vrai finalité de de l’école ! Notre école reste un maillon clé de notre société. A nous acteurs et parents de veiller à ce que nos enseignants dispensent au mieux à nos enfants l’apprentissage du « savoir être ».

il faut donc faire évoluer les pratiques pédagogiques, les adapter à notre temps, profiter des nouveaux supports d’apprentissage et enfin les élargir aux notions qui participent au développement de l’enfant dans un sens large.

 

Sabine Cros, 3 novembre 2014

 

Sources et pour aller plus loin:

(Plus de 100.000 enseignants et chefs d’établissements du premier cycle de l’enseignement secondaire (élèves âgés de 11 à 16 ans) de 34 pays ont participé à cette enquête, dont un échantillon représentatif de 3.002 Français exerçant dans 204 collèges).

  • Jean-Rémi Girard est Secrétaire national à la pédagogie du SNALC-FGAF (Syndicat National des Lycées et Collèges). Il tient le blog sur l’Education nationale «Je suis en retard».
  • Caroline Beyer, « Les enseignants français insuffisament formés et évalués au cours de leur carrière », Le Figaro, 25 juin 2014, 2014.
  • Bernard HUGONNIER, « Le déclin de l’école républicaine », Les Editions du net.
  • Edgar Morin, Enseigner à vivre, manifeste pour changer l’éducation, Ed. Actes Sud, coll. Domaine du possible, septembre 2014. 

 

 

 

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